Si tout art contemporain est un bain dans lequel chacun essaie de nager,
les artistes comme le public, à la recherche inconsciente d’identification des
courants, l’après-coup livre ses éclairages de toutes sortes de manières,
particulièrement lorsque le créateur, possédé par un fort désir de matérialiser
sa vision du monde sous forme d’œuvre, a aussi parlé, écrit, débattu, répondu,
improvisé sur ce qu’il était en train de faire, qui est très important puisque
c’est cela – avec toutes les autres créations – qui va donner son visage à
l’Histoire.
Le sculpteur
indépendant, c’est à dire le sculpteur qui ne s’emploie pas à fabriquer des
objets de culte conventionnels, peut choisir, semble t il, entre trois modes
d’expression. Il peut s’efforcer de communiquer une vision personnelle de la
réalité par des images figuratives dont le sens est universellement
compris ; il peut se contenter de façonner des formes abstraites
esthétiquement valables qui auront ou non un sens symbolique ou
associationnel ; il peut accepter, finalement, le rôle de sculpteur
décorateur qui fabrique des objets ou des figures destinés à meubler un
ensemble avec lequel ils s’harmonisent ou à animer des surfaces banales. Ces
types de sculpteurs ont été les plus favorisés que ce soit pour des raisons
architecturales, religieuses, politiques ou sociologiques, au cours de différentes
civilisations et à différentes périodes de l’histoire humaine. Les sculpteurs
indépendants n’ont excellé jusqu’à présent que dans l’un ou l’autre de ces
modes. Mais pour tous les arts, le vingtième siècle a été une période de
rupture et d’analyse. Des conventions de toute sorte ont été remises en
question, et des généralisations comme celle ci se trouvent malgré tout
largement infirmées. Au cours de ce demi-siècle, la sculpture de quelque époque
et nationalité qu’elle fût, ou d’esprit, a été passée en revue par les artistes
et les critiques. On a dégagé et remis en évidence certains principes
fondamentaux que les fausses valeurs bourgeoises et l’enseignement académique
du dix neuvième siècle nous avaient complètement masqués. Alors que cet examen
se poursuit, la sculpture moderne est la proie du paradoxe et du mépris des
contraintes académiques. S’il s’en dégage un manque d’unité de style, une
grande complexité de desseins, l’esprit de recherche est manifeste. Le
sculpteur a profité de cette émancipation de la sculpture. Il utilise les
pièces de métal exactement comme si elles étaient aussi souples et malléables
que la glaise ; il s’exprime par des images figuratives ou qui relèvent
d’une figuration mi-abstraite mi organique dont la forme ornementale ne rejoint
pourtant jamais la moindre fin pratique. La situation actuelle de la sculpture
est assez confuse. De cette confusion sont pourtant sorties des conceptions
nouvelles qui appartiennent au contexte d’aujourd’hui. D’autres ont défriché le terrain.
Mais César a repensé avec une imagination neuve la technique de la sculpture en
métal soudé, la conformant à ses propres idées ; il s’est montré
innovateur, et c’est en soi une grande distinction.