Grande salle
des glaces du château de Versailles :
Pour exposer les personnages boursouflés de Jeff Koons,
pouvait-on songer à un lieu plus approprié que le palais de Versailles ?
Depuis toujours, le pouvoir adore se voir refléter dans des miroirs déformants ;
on a beau avoir décapité Louis XVI, on n’a pas encore séparé le roi de son
bouffon. On me dit que la Nouvelle-Zélande a désormais « son » Damien
Hirst : un artiste qui réalise des sculptures monumentales composées de
milliers d’ustensiles de cuisine. Toute la machinerie de l'art contemporain -
banques, musées, spéculations, expositions, critiques - s'est obligeamment mise
en marche et les œuvres de ce sculpteur valent désormais de l'or. Partant,
quand des plasticiens soucieux de beauté et de sens demandent de l'aide à
l'État, les caisses sont vides, et le grand public peut continuer à croire que
TF1 produit de la culture...
Le livre et
l'épée :
« Regardez bien cette Naissance de Vénus, dit la
jolie guide américaine que je suis à la trace aux Offices. Ce tableau nous est
devenu si familier qu'on a du mal à se rendre compte qu'au moment où Botticelli
l'a peint, cela faisait plus de mille ans qu'on n'avait vu représenter une
femme nue ! Si Laurent de Médicis a eu le droit de commander un tel tableau,
c'est qu'il avait financé la construction d'un grand monastère, et le pape lui
avait pardonné d'avance tous ses péchés jusqu'à la mort. » Deux salles
plus loin : « Fra Filippo Lippi avait « fauté » avec
une bonne sœur, et Cosme l'Ancien était intervenu auprès des puissances
ecclésiastiques pour lui sauver la vie ; du coup le peintre lui a offert
son plus beau portrait de la Sainte Famille… » Que d'hypocrisie chez les pères de l'Église,
brandissant la Bible comme une arme mortelle et se livrant à des négociations
perverses ! On préférerait presque Berlusconi qui, au moins, assume ses pulsions et
appelle un chat un chat...
Elle ne bougera plus :
Mon père a passé une bonne partie de son enfance à Fort
McLeod, dans l'est de l'Alberta. De nos jours, Fort McLeod est le centre
névralgique de l'exploitation des sables bitumineux canadiens. Il s'agit
d'extraire du pétrole pour le vendre aux États-Unis - et l'Alberta, en la
matière, est au deuxième rang mondial, juste derrière l'Arabie Saoudite. On
devine tout de suite l'enchaînement : paysages saccagés, beauté naturelle
détruite, pollution gravissime, oiseaux morts, Indiens cancéreux, médecins
harcelés, politiciens corrompus, mensonges hypocrites... Apparemment, pour
dissuader les animaux de boire l'eau des lacs empoisonnés, on tire maintenant
un assourdissant coup de canon, toutes les deux ou trois minutes... Envie de me
planter au milieu des sables bitumeux et de hurler jusqu'à ce que ça
s'arrête...
L'art ?
Ce sont les applaudissements :
Si c'est
adoré par les foules, ce doit être bon : faux. Si c'est adoré par les
foules, ce doit être mauvais : faux. Dommage ! On n'a d'autre choix
que de se faire une idée par soi-même