Extrait :
Si l'on s'en tient au bouleversement des valeurs suscité par la révolution industrielle, l'art apparaît comme ayant une part active dans la dialectique marxiste du changement. On assiste d'abord à l'effondrement des valeurs traditionnelles associées à la notion du travail, puis à l'articulation de la situation qui en découle, ainsi qu'à une mobilisation du mécontentement et à la mise en place d'alternatives dans la conception de l'ordre social. Enfin, au terme d'une période de lutte dans laquelle l'art assume une fonction polémique, une réforme sociale ou une révolution voit le jour. On peut dégager un modèle de structure qui permet d'entrevoir certains changements majeurs dans le tout sémantique de l'art et de la société. Ils nous permettent de distinguer quelques-unes des orientations suivies par l'évolution culturelle. La culture, dans un premier temps, nous paraît relativement indifférenciée et fonctionne comme élément stabilisateur : dans un contexte tribal, l'art, la religion et l'organisation sociale ont tendance à se mêler. Nous assistons ensuite à l'essor d'une série de « hautes » cultures. Elles sont un facteur de division sociale et se préoccupent de renforcer les rapports de force dans la société, tout en réussissant à atteindre à une perfection esthétique très raffinée. Et finalement, les théories égalitaristes et l'industrialisation président toutes deux, paradoxalement, à la création de notre culture. Cela nous permet d'établir un certain nombre de faits. Tout d'abord que la valorisation sans précédent que l'on fait de l'individu est à l'exacte mesure de l'exploitation qu'il subit. Ensuite qu'une pluralité de groupes sociaux et de croyances participent des mass media et reçoivent partiellement leur appui, alors que ces mêmes moyens de communication de masse visent par ailleurs à la standardisation. Et qu'enfin le capitalisme a réussi à produire un art populaire qui rend compte, de façon parfaitement adéquate, de la vie et des expériences de ceux qui sont les premières victimes de l'industrialisation. Il apparaît ainsi à l'évidence que la fonction sociale de l'art a été radicalement transformée. Ce changement passe par la fossilisation des traditions d'une société statique et débouche sur l'analyse des grands espoirs et des conflits violents d'un monde en constante évolution...
Ken Baynes - Éditions du Chêne