Extrait :
Une nuit de 2003, des toiles de Gauguin, de Van Gogh et de Picasso disparaissent d'une galerie de Manchester... L'enquête n'a même pas le temps de commencer que le lendemain, un appel anonyme y met un terme. Les toiles se trouvent dans des toilettes publiques, à proximité du musée, annonce l'interlocuteur... Comble de l'humiliation, une note manuscrite jointe dévoile les motivations du forfait : « Souligner les faiblesses du système de sécurité. » Pour les enquêteurs de Scotland Yard, les malfaiteurs ont simplement pris conscience de leur incapacité à monnayer leur butin. Que faire de tels chefs d'oeuvre ? À qui les vendre et pour quels montant ? Ces questions, l'expérience le montre, placent souvent les voleurs face à un terrible casse-tête. Contrairement à la drogue, les pièces qu'ils tentent d'écouler ne sont pas en elles-mêmes illégales. Mais à l'inverse des billets de banque dérobés ou falsifiés, des cigarettes illégalement importées ou des vêtements contrefaits, ces objets sont uniques. Avec le temps, de plus en plus de pays se sont dotés d'équipes d'enquêteurs spécialisés et surtout de fichiers d'objets disparus. En France, la base Treima, établie par la police, compte plus de cent mille oeuvres... À l'heure d'internet, des sites spécialisés répertorient les principaux vols réalisés à travers le monde. Une oeuvre majeure n'a donc théoriquement aucune chance d'échapper aux différents filtres mis en place. Les voleurs sont placés face à un curieux paradoxe : plus la pièce présente de valeur, moins elle intéresse de monde. En effet, ni le marchand sérieux, ni le brocanteur des Puces un tant soit peu prudent ne voudra d'un Matisse ou d'un Warhol dépourvu de certificats d'authenticité et d'acte d'achat. « Les grands maîtres du vol s'attaquent maintenant aux petits maîtres de la peinture », aimait à dire Bernard Darties, longtemps cheville ouvrière et mémoire de l'OCBC, l'Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels...
Nathaniel Herzberg - Éditions du Toucan