De l’art en général et de l’art contemporain en particulier



Extrait :

Qu'est-ce que l'art contemporain ? En quoi consiste-t-il ? L'art contemporain veut entrer dans la matérialité parce que la matérialité a toujours été exploitée par l'homme, elle a été vouée aux usages mais est restée méconnue. Maintenant, il s'agit de la prendre en elle-même et pour elle-même. La matérialité n'a été exploitée en ce sens que pour introduire l'idée en elle ou l'usage, la fonction. Mais là, il n'y a plus de fonction, c'est une expérience de révélation. D'autre part, l'art contemporain n'est plus une représentation de quelque chose d'autre, il est lui-même pour lui-même. Donc il a un côté expérimental, plus que jamais il faut le rappeler, il est le concret, le grain des choses, il est la présentation. Tout ce qu'on a vu préalablement relevait de la représentation et touchait à l'image, maintenant il n'y a plus d'image, c'est un montage, c'est un ensemble réel. C'est d'ailleurs pourquoi l'art contemporain, comme on l'a dit, c'est toujours les artistes, les abstraits. On ne peut plus très bien distinguer le peintre et le sculpteur parce que l'oeuvre d'art va de moins en moins s'accrocher au mur et de plus en plus être, comme ils disent eux-mêmes, une installation c'est-à-dire un agencement, une composition. C'est une expérience physico-métaphysique. Je vais vous raconter une histoire qui va dans le sens de ce que je dis. Il y a trois ou quatre ans je suis allé en Allemagne parce qu'une université, Cologne, m'avait invité pour un exposé. Pour m'être agréable, à la fin de mon exposé, ils m'ont conduit au musée d'art contemporain de Cologne. J'ai été suffoqué. Parce que je suis rentré dans une salle immense, on aurait dit le hall d'un aérodrome. Tout était blanc dans cette salle : la moquette était blanche, les murs étaient blancs, le plafond était blanc. Rien n'était accroché au mur et au milieu de la salle, il y avait simplement un tas de pierres mais il était protégé par un cercle de manière à ce qu'on ne puisse pas aller changer les pierres de place, c'était une espèce de cône. Il y avait donc un tas de pierres qui était là. Un point, c'est tout. Et quand il y avait des français, ils disaient : j'en ferais autant, c'est ridicule, qu'est ce que ça veut dire ? etc... Entre parenthèses, une des lois fondamentales de l'art et plus particulièrement de l'art contemporain est la suivante : vous n'avez pas le droit de refaire ce que les autres ont déjà fait. Ça c'est le principe souverain et éminent de l'art : l'innovation. Alors si vous allez remettre un tas de pierres ici dans cette salle, vous ne serez pas génial, je vous préviens ! La répétition tue l'art. L'art, c'est toujours l'entrée dans un monde nouveau...

François Dagognet - Les empêcheurs de penser en rond